Le château médiéval de Montgoger : une étape sur le trajet de Jeanne d’Arc
Nous sommes à la fin de l’hiver 1423, en Touraine à Saint-Epain sur la route qui mène de Sainte Catherine de Fierbois à Chinon. Ici se dresse fièrement au dessus de la vallée, le château médiéval de Montgoger. Le château se compose alors de trois grands corps de logis, flanqués de quatre tours suffisamment imposantes pour que l’une d’entre elles abrite une chapelle.
A cette époque, la jeune Lorraine en habits de garçon qui passe devant Montgoger sur son cheval de labour n’est pas encore notre Sainte Jeanne d’Arc. Une petite troupe composée de cinq ou six hommes d’armes l’escorte en direction de Chinon, le but de leur voyage. Ils sont éreintés, ils ont quitté Vaucouleurs en Lorraine le 23 février, dix jours auparavant: plus de 600 kilomètres parcourus en moins de 11 jours ! 600 kilomètres à cheval, 600 kilomètres en hiver, à travers les lignes bourguignonnes et anglaises, sur des chemins infestées de brigands, de violeurs et de pillards, dans des vallées noyées par des crues de saison de la Meuse, de la Marne, de l’Yonne et de l’Aube, en voyageant parfois de nuit, en couchant dans des auberges, des abris de fortune, parfois sous la pluie, toujours dans le froid. Encore aujourd’hui, un tel périple serait une épreuve même pour un cavalier expérimenté.
Sauver la France !
En 1423, Jeanne d’Arc n’a que 17 ans, presqu’encore une adolescente, petite (1,59 cm), trapue et robuste, habillée en homme, la nuque et les tempes rasées. Elle parle le français avec l’accent chuintant des Lorrains. Johanne est fière d’elle-même, elle a conscience de l’exploit physique qu’elle vient de réaliser. Elle le dira d’ailleurs au roi dès son arrivée: « gentil (c’est à dire Noble) Dauphin, j’ai fait cent cinquante lieues pour vous venir en aide ». Elle l’a annoncé à ses proches depuis longtemps : « j’irai jusqu’à Chinon, dussè-je pour y aller, user mes jambes jusqu’à mes genoux ». Car cette petite Johanne a un sacré tempérament, c’est une personnalité forte, entière, sûre d’elle même, qui va à Chinon remplir la mission que Sainte Catherine, Sainte Marguerite et Saint Christophe lui ont assignée depuis qu’elle a 13 ans: sauver la France !
Entrez dans l’Histoire en séjournant à Montgoger !
Dans quelques semaines, Johanne et ses exploits devant Orléans l’auront faite entrer dans l’histoire comme notre Jeanne d’Arc. A Orléans, elle dénoue une situation bloquée en allant battre Talbot, l’un des hommes de guerre le plus fameux de l’époque, obligé de retirer ses troupes devant la furia française.
Mais pour l’heure, revenons à Johanne la Lorraine qui se dirige vers Chinon pour « bouter les anglais hors de France ». Cette France de Charles VII est dans une situation catastrophique: Paris et toutes les terres au nord de la Loire sont occupés par les Anglais, ainsi que Bordeaux et toute l’Aquitaine. Le quart nord-Est de la France, Dijon et toute sa région, appartient au puissant Duc de Bourgogne. La Provence n’est pas sous sa juridiction. Faites le compte sur une carte de France, il ne reste au « petit roi de Bourges » que l’équivalent d’une petite région française actuelle. Qui plus est, ce roi est méprisé, seul et sans argent pour mener une guerre contre tous. Sa mère est la première à laisser entendre qu’il n’est qu’un bâtard, elle déjà pactisé derrière son dos avec les Anglais et les Bourguignons pour le déshériter au profit du roi d’Angleterre.
L’exploit de Jeanne
Cette petite Loraine qui ne sait ni lire ni écrire, juste signer son nom, est un bloc de piété religieuse dans une époque où Dieu est partout. A la précédente étape de Sainte Catherine de Fierbois, elle a profité de la journée de halte pour entendre trois messes d’affilé. Dans les mois à venir, c’est au bruit des prières et au son des cantiques qu’elle va faire marcher les troupes à l’ennemi, sous sa bannière dédiée à Jésus et la Vierge Marie. Elle frappe du plat de son épée pour faire dégager ailleurs les prostituées qui accompagnent les soldats partout. Elle arrive à imposer la communion et la confession des fautes à ses compagnons d’armes, Xantrailles, La Hire, Dunois.
Un exploit quand on sait qu’il s’agit de soudards et de tueurs passés à la postérité pour leur cruauté. Enfin son courage à la guerre, son exemplarité et sa piété arriveront à toucher même un Gilles de Rais. Celui là même qui sera bientôt jugé et décapité à Nantes pour les meurtres de centaines d’enfants.
La Sainte et le démon
Personne ne le sait à cette époque ! Mais nous sommes ici en mars 1423 au moment même où l’histoire de la France et du monde est en train de basculer.
A Montgoger, vous êtes sur les lieux qui ont vu passer vers Chinon une petite jeune brune et trapue, en mission vers le roi de Bourges. Ce même lieu où l’on verra repasser peu de temps après (un peu plus au Sud) la future sainte Jeanne d’Arc, en route vers Orléans pour y délivrer la France des Anglais, faire couronner Charles VII à Reims, pour être brulée moins d’un an après à Rouen.
Les deux amis qui cheminent ensemble à ce moment là au sud de Montgoger vers Orléans sont jeunes, Jeanne a 17 ans, Gilles de Rais 19 ans. Ils ne savent pas qu’ils sont en route pour entrer pour toujours dans l’Histoire de France. Et ils ne savent pas non plus qu’ils vont aussi rentrer pour toujours dans la légende. Elle comme une Sainte, et lui, comme un Démon !